Vol. 19 No 2 (2025): Je/ux d’enfants : autobiographie et littérature jeunesse
Édité par Arnaud Genon et Régine Battiston
L’écriture de soi est-elle conciliable avec la littérature de jeunesse ? La question peut sembler paradoxale, tant l’autobiographie théorisée par Philippe Lejeune a longtemps été pensée pour un public adulte. Peu de textes pour jeunes lecteurs relèvent ainsi du genre au sens strict du terme. Pourtant, la littérature de jeunesse multiplie les formes inspirées des écritures de soi – récits à la première personne, journaux intimes fictifs, romans épistolaires ou faux témoignages – qui visent à instaurer une proximité avec le lecteur. La subjectivité affichée crée une illusion d’authenticité, favorisant identification et empathie, tout en jouant sur les frontières entre fiction et vérité. Le « je » qui s’y exprime ne renvoie pas directement à l’auteur : il met en scène une voix narrative qui rejoue ou déjoue les codes autobiographiques à travers un jeu de masques, de dévoilements et de dissimulations. Ce « je » partiellement ou faussement autobiographique devient alors un outil pour explorer fractures identitaires, tensions culturelles ou blessures intimes, mais aussi pour dire la violence familiale ou sociale et esquisser des parcours de résilience. En ce sens, la fiction autobiographique ouvre un espace de parole et de reconnaissance, tout en initiant les jeunes lecteurs à la complexité du rapport entre mémoire, imagination et vérité de soi.
